Thierry LAMBERT
Professeur Aix-Marseille Université
Président de l’institut international des sciences fiscales
Rédacteur en chef de la « Revue européenne et internationale de droit fiscal »
En mars 2018 l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a pris acte du fait qu’il était impossible, au niveau mondial, de se mettre d’accord sur la taxation des entreprises du numérique. Une des difficultés tient au fait que les entreprises du numérique, qui offrent des services dématérialisés, n’ont pas besoin d’être physiquement présentes dans un pays pour y développer leurs activités, et qu’elles transfèrent leurs bénéfices dans des Etats, ou territoires, où elles ne sont pas taxées.
Il fut convenu, entre la France et les Etats-Unis, lors du G7 d’août 2019, et entériné par les autres partenaires au sommet, que les membres de cette instance internationale devaient, en 2020, mettre en place une taxe internationale pour les multinationales du numérique. Il revenait à l’OCDE de négocier, avec les Etats membres, et de présenter un projet qui soit acceptable.
L’administration Trump a suspendu, officiellement pour cause de pandémie, la négociation de cet impôt visant les géants du numérique. Il est un fait que les firmes américaines, Google ou Facebook, ne sont pas les seules concernées compte tenu de l’écrasante part des « tech » californiennes dans l’économie du numérique. L’idée que l’on puisse étendre le principe d’une taxation des profits, là où ils sont réalisés, aux multinationales, n’est certainement pas étrangère à l’attitude des Etats-Unis.
L’attitude de l’administration américaine est pour le moins violente, si l’on en croit le journal LE MONDE (20 juin 2020), « la France notamment est menacée d’une surtaxe allant « jusqu’à 100% » sur les produits qu’elle exporte, dont le vin, si elle rétablit sa taxe GAFA nationale, adoptée en juillet 2019 mais gelée pour 2020. Et le 2 juin, Washington a étendu sa menace à une dizaine d’autres pays prêts à sauter le pas, comme l’Italie, le Royaume – Uni ou le Brésil ». Le ministre de l’économie français a qualifié de « provocation », l’attitude des Etats-Unis, et d’ajouter que la France appliquerait, « quoi qu’il arrive une taxation aux géants du digital en 2020, parce que c’est une question de justice » (LE MONDE 19 juin 2020).
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait retenu l’idée que la nouvelle taxe du numérique puisse être, dans le cadre de la crise que nous traversons, une ressource propre de l’Union européenne.
Il reste à porter et à défendre le projet. L’union européenne et les Etats membres sont-ils en situation d’imposer aux Etats-Unis une taxe sur les GAFA ?