Thierry LAMBERT
Professeur Aix-Marseille Université
Président de l’institut international des sciences fiscales
Rédacteur en chef de la « Revue européenne et internationale de droit fiscal »
Il y a moins d’une année nous aurions jugé les masses financières à mobiliser extravagantes. Un plan de relance de 390 milliards d’euros en trois ans, dont 40 pour la France, et 360 milliards de prêts supplémentaires si nécessaire. La crise du COVID 19, est d’abord une terrible pandémie qui a engendré un quasi arrêt de l’économie mondiale, a impacté l’Union européenne et les 27 Etats qui la composent.
Pour rembourser l’emprunt, hypothèse qui reste à vérifier sur une longue période, l’Union va devoir se doter de ressources propres qui soient à la hauteur. Les ressources fiscales vont être repensées.
Nous avons deux certitudes.
La première est qu’un impôt européen sur la fortune, comme le suggérait notamment l’économiste Thomas Piketty, ne sera pas retenu. Sa charge symbolique, beaucoup plus que sa dimension économique, semble insupportable aux chefs d’Etats et de gouvernement.
La seconde est la mise en place d’un prélévement sur les plastiques non réutilisables à l’horizon 2021. Elle serait payée par les Etats membres en fonction du poids des déchets. Le chiffrage du produit de cette taxe pose quelques difficultés (pour le France entre moins de 100 millions à un peu moins d’un milliard).
Pour le reste : tout est ouvert.
On peut imaginer un transfert plus important de la TVA, perçue par les Etats, vers le budget de l’Union européenne. Ce serait indolore pour les consommateurs mais difficile pour les Etats qui doivent faire face à un mur de dettes et à une augmentation de leurs dépenses pour gérer une crise économique et sociale qui les impacte tous.
Le président Macron avait proposé de « lever un impôt sur les grandes entreprises et les acteurs internationaux qui ne jouent pas le jeu de nos politiques ». Cette idée rejoignait celle de la présidente de la Commission européenne qui proposait que la taxe du numérique soit une ressource propre de l’Union. Chacun pense à la taxation des GAFA, dont le principe était retenu au niveau mondial par le G7. Les Etats-Unis s’étant retirés, sous prétexte de crise COVID, des travaux de l’OCDE reste à savoir si l’Union européenne portera le projet.
La taxe sur les transactions financières (TTF), qui est en débat depuis 2011, se heurte moins à l’hostilité des Etats dont les positions ont évolué à l’exemple des Pays-Bas ou du Danemark qu’au lobby bancaire farouchement hostile. Certains Etats y sont favorables : l’Allemagne, la France, l’Italie ou encore l’Espagne et la Slovaquie. Une estimation de 2011 montrait que son rendement pouvait être de 35 milliards d’euros. On peut imaginer élargir son champ d’application aux produits dérivés.
On peut aussi davantage taxer les émissions de CO2 aux frontières. Il est nécessaire de faire une réforme du marché des ventes aux enchères des droits à polluer des grandes entreprises. Un groupe de travail a été constitué à cet effet.
On peut rêver, ou pas, d’un véritable impôt européen qui s’assumerait complément comme étant un impôt directement affecté au budget de l’Union européenne. On imagine la difficulté de l’exercice mais aussi l’étape, symbolique et financière, dans la poursuite de la construction de l’Union. La grande affaire de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) a commencé depuis le début des années 2000 et reste un projet que l’on peine à concrétiser.
La question reste entière : quels impôts doivent être mobilisés ?
Le 21 août 2020.