Avocate Associée
Cabinet Arsene
1 – Quels sont les enjeux en matière de TVA concernant le E-commerce ?
2020 a été une année particulière où la crise de la COVID-19 a poussé les consommateurs à adapter leurs modes de consommation.
Le commerce en ligne s’est fortement déployé jusqu’à atteindre 112 milliards d’euros en 2020 (soit une hausse de 8,5% par rapport à 2019).
Ce mode de commerce vise également une population très large puisque les acteurs économiques (assujettis à la TVA – relation B2B) mais également les particuliers sot visés (non assujettis à la TVA – B2C).
Cette pratique s’inscrit également dans une volonté plus environnementale de réduire son empreinte et devient un outil au service des acteurs de l’économie circulaire.
Compte tenu du développement de l’E-commerce, les Etats membres de l’Union européenne ont cherché depuis plusieurs années à harmoniser leurs règles afin d’aller vers une convergence d’une taxation au plus près du lieu de consommation (nature même de la TVA constituant une taxe sur la consommation) tout en essayant de garantir des conditions de concurrence plus équitables entre les entreprises. Dès 2015, les règles de TVA relatives aux services électroniques ont été adaptées.
Avec l’accroissement des activités de ventes de biens en ligne, nous avons assisté à une augmentation de la part de fraude à la TVA ou à tout le moins d’une mauvaise application des règles déjà existantes. A titre d’exemple, avant le 1er juillet 2021 il convenait de déterminer le lieu de taxation des livraisons de biens appelées ventes à distance intracommunautaires en fonction du seuil des ventes dans l’Etat membre d’arrivée. De nombreux opérateurs ne surveillaient pas ces seuils et continuer à collecter la TVA du pays de départ.
De même, certains opérateurs envoyés des produits depuis un pays tiers à l’UE alors que ces produits n’étaient jamais soumis à la TVA à l’importation car ils étaient déclarés en tant que cadeaux ou la valeur était inférieure à 22 euros, afin de bénéficier de l’exonération de TVA.
Les enjeux en matière de TVA concernant le E-commerce sont donc doubles : lutter contre la fraude à la TVA et éviter les distorsions de concurrence entre les opérateurs dans l’Union européenne.
Toujours dans cet objectif, et fort des premiers résultats du paquet TVA E-commerce mis en place en 2021, l’Union européenne a publié, dans le cadre de son projet de « TVA l’ère du numérique », le 8 décembre 2022, un projet de Directive qui pourrait s’appliquer dès 2024, visant à encadrer notamment le E-commerce des services (plateformes de transport et d’hébergement). L’objectif restant toujours le même, appliquer la TVA au niveau de la consommation, là où aujourd’hui aucune TVA n’est perçue.
2 – Comment s’exerce le principe de solidarité de paiement de la TVA dans le E-commerce ?
La solidarité de paiement, prévue aux articles 283 bis et 293 A ter du CGI est en place depuis le 1er janvier 2020.
Elle s’applique entre l’utilisateur (vendeur ou prestataire de services) et l’opérateur de plateforme en ligne par l’intermédiaire duquel l’utilisateur réalise son activité, et permet à l’administration fiscale de s’assurer de la perception de la TVA directement auprès de la plateforme en ligne en cas de défaillance de l’utilisateur dans ses obligations TVA.
En pratique, elle est mise en œuvre sur signalement de l’administration fiscale auprès de la plateforme en ligne de la manière suivante :
- Dans un premier temps, elle signale l’utilisateur à la plateforme ;
- Dans un second temps, l’opérateur de plateforme prend toute mesure pour permettre à l’utilisateur de régulariser sa situation et notifie à l’administration des mesures prises ;
- Dans un troisième temps, s’il subsiste des présomptions dans un délai d’un mois, l’administration met en demeure l’opérateur de plateforme de prendre des mesures supplémentaires ou d’exclure l’utilisateur
- Dans un quatrième temps, l’opérateur de plateforme prendre des mesures supplémentaires ou exclut l’utilisateur et le notifie à l’administration fiscale
- Enfin, en l’absence de mise en œuvre de ces mesures dans un délai d’un mois, la TVA est solidairement payée par la plateforme en ligne.
Aussi, une fois qu’elle est actionnée, la plateforme reçoit un avis de mise en recouvrement au nom de l’utilisateur concerné et nécessite, si la créance n’a pas déjà été constatée, une procédure de contrôle pour notifier l’utilisateur.
Il faut néanmoins noter que, depuis le 1er juillet 2021, les opérateurs de plateformes en ligne ne sont plus concernés par ce mécanisme de solidarité de paiement lorsqu’ils facilitent de ventes à distance de biens importés d’une valeur inférieure à 150€ ou des livraisons de biens dans l’Union européenne (ventes à distances ou domestiques) lorsque le vendeur est situé en dehors de l’Union européenne dans la mesure où ils sont devenus redevables de la TVA en lieu et place du vendeur.
3 – A l’horizon du 1er juillet 2024 il est prévu d’avoir recours de façon obligatoire, pour les grandes entreprises, à la facturation électronique. Quels changements peut-on en attendre pour les entreprises mais aussi dans leurs relations avec l’administration ?
Le recours à la facturation électronique marque un tournant dans les habitudes des entreprises françaises puisqu’elle implique la fin de la facture papier dans leurs relations entre assujettis français (B2B) et les flux domestiques uniquement.
Également, la facturation électronique s’accompagnera de la nouvelle obligation de e-reporting qui aura un champ d’application plus large que la facturation électronique en incluant la transmission des donnés liées au paiement, à l’exigibilité de la TVA et concernera également les opérations avec des non assujettis (B2C) ainsi que les opérations internationales et intracommunautaires.
Il faudra s’habituer à ces évolutions puisque le projet de Directive, publié le 8 décembre 2022 dans le cadre de la « TVA dans l’ère du numérique », prévoit une obligation de mise en place de la facturation électronique mais également de transmission automatique des informations entre les Etats membres par le déploiement de la déclaration de TVA électronique.
- – Comment l’administration peut-elle contrôler les plateformes qui sont redevables de la TVA ?
Au-delà des procédures de contrôles fiscaux et de demandes de renseignements auprès d’un redevable, plusieurs leviers ont été mise en place afin de permettre un contrôle des données issues des plateformes :
- Les obligations françaises prévues à l’article 242 bis du Code général des impôts obligent les plateformes en ligne à transmettre avant le 31 janvier de l’année N+1 à l’administration fiscale un document récapitulant l’ensemble des transactions réalisées par les vendeurs et prestataires.
- A compter du 1er janvier 2023, les utilisateurs résidents en France ou réalisant des ventes ou des prestations de services en France verront ces obligations remplacées par celles prévues par DAC7 (Directive prise au niveau européen).
- Pendant une durée de 3 ans, l’administration fiscale et l’administration des douanes et droits indirects peuvent chacune collecter et exploite aux moyens de traitements informatisés et automatisation les contenus librement accessibles sur les sites Internet des opérateurs de plateformes (sous réserve de la protection des données prévues par la CNIL). Ce moyen est rapide puisque les données sont rendues publiques pour les utilisateurs consommateurs finaux. Sont visées les données se rapportant à la personne qui les a délibérément divulguées et dont l’accès ne nécessite ni saisie d’un mot de passe ni inscription sur le site en cause. Cette méthode permet ainsi aux administrations d’identifier les éventuelles activités occultes ou liées à une fausse domiciliation.
- Au-delà des ces mesures, les administrations fiscales pourront également recouper les informations transmises grâce aux registres déposés en cas d’option pour les guichets uniques OSS / IOSS.