La présente note présente le résultat de quelques réflexions sur l’intérêt de généraliser le régime du paiement fractionné de la taxe comme instrument de contrôle et de simplification des échanges
intracommunautaires de biens voire de services.
Limites et faiblesses du régime transitoire de taxation des échanges intracommunautaires de biens entre assujettis : le maintien du régime de détaxation des échanges dans l’Etat membre d’origine par voie d’exonération après la suppression des frontières fiscales intérieures
1. Les échanges intracommunautaires de biens entre assujettis donnent lieu jusqu’à présent à une détaxation des livraisons dans l’Etat membre d’origine par voie d’exonération et une taxation dans l’Etat membre de destination des biens sur la totalité du chiffre d’affaires.
2. Jusqu’au 1er janvier 1993, ces événements étaient liés au passage d’une frontière fiscale entre les Etats membres (ci-après « EM »). Ils donnaient lieu à une exportation exonérée de TVA dans l’EM d’origine et une importation taxable dans l’EM de destination.
La tentative d’instaurer dès 1993 un régime définitif fondé sur la taxation des échanges dans l’Etat membre d’origine des biens n’a finalement pas abouti pour les raisons que l’on sait.
Le régime transitoire de taxation qui en a résulté a substitué à l’importation le nouveau concept d’ « acquisition intracommunautaire » dont le fait générateur est l’obtention de la propriété économique d’un bien dans l’EM de destination. L’auto-liquidation de la TVA due sur les acquisitions intracommunautaires dans l’EM de destination a remplacé la perception de la TVA due sur les importations par les douanes lors du passage de la frontière.
D’autre part, de nouvelles mesures de coopération administrative et d’échanges d’information ont vu le jour afin de pallier la suppression des contrôles douaniers aux frontières intérieures de l’Union.
3. Si personne ne conteste que la suppression des contrôles douaniers aux frontières intérieures de la Communauté a permis de fluidifier la circulation des biens entre les Etats membres, il apparaît à l’épreuve du temps que le régime de l’auto-liquidation de la TVA sur les acquisitions intracommunautaires, d’une part, et les nouvelles mesures de coopération administrative et d’échanges d’informations entre les administrations des Etats membres, d’autres part, ne sont pas totalement
satisfaisants car ces mesures ne permettent de pallier que très partiellement les conséquences liées à la suppression des contrôles physiques de la circulation des biens aux frontières intérieures de l’Union.
D’une part, le régime transitoire a favorisé l’émergence d’un nouveau type de fraude à la TVA s’appuyant sur la circulation de biens en boucle (« carrousels »).
D’autre part, les entreprises voient généralement dans le régime transitoire de taxation un cadre juridique complexe induisant des formalités administratives additionnelles et qui est source
d’insécurité juridique. Par exemple, elles qui disposaient autrefois de documents douaniers d’exportation leur permettant de justifier les conditions d’exonération de leurs livraisons dans l’Etat membre d’origine sont depuis lors confrontées à l’obligation d’administrer cette preuve par d’autres documents dont la valeur probante peut être remise en cause par les services fiscaux selon le cas. Ainsi, la pratique montre que les entreprises peuvent être confrontées à des difficultés particulières lorsqu’elles n’ont pas la maîtrise des documents de transport (livraison aux conditions départ), notamment dans le cadre de ventes en chaîne (cf arrêt CJUE affaire C-245/04, Emag Handel Eder OHG).
Il demeure donc que dans sa forme actuelle, le régime transitoire de taxation n’est pas viable à long terme, ni pour les administrations nationales en raison des déperditions de matière imposable, ni pour les entreprises en raison des coûts supplémentaires et de l’insécurité juridique qu’il induit.
4. Faut-il pour autant s’en étonner ?
A cet égard, il n’est pas besoin de rappeler que le régime transitoire de taxation n’avait pas d’autre objectif que d’instaurer un moratoire suite à la suppression des frontières fiscales, lequel devait permettre de maintenir une taxation dans l’EM de destination en attendant une solution technique permettant d’assurer que le système de la TVA puisse fonctionner à l’échelle européenne dans le cadre d’un marché unique où la TVA serait perçue dans l’Etat membre d’origine et reviendrait à l’Etat membre de consommation.
Le régime de détaxation des échanges dans l’Etat membre d’origine n’avait pas vocation à perdurer. Il se trouve être aujourd’hui à l’origine du dysfonctionnement du système de la TVA propre au régime transitoire de taxation des échanges intracommunautaires.
Avec l’abandon de la proposition initiale de perception de la TVA dans l’EM d’origine, a disparu également le projet d’appliquer le régime du fractionnement de la TVA aux échanges intracommunautaires comme aux échanges domestiques.
Or il est patent que la fraude carrousel trouve son origine dans l’existence simultanée de deux modalités de perception de la TVA, l’une à charge du fournisseur (régime général), l’autre à charge du
client (auto-liquidation). Et les mesures prises jusqu’à présent – fondées sur un système de perception de la taxe par voie d’auto-liquidation et des moyens de coopération administrative – ne permettent pas semble-t-il d’éradiquer totalement le fléau de la fraude carrousel.
5. La Commission fait régulièrement état des réflexions actuellement menées pour « un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace » (1) et M. Algirdas Šemeta, commissaire européen chargé de la fiscalité, s’en faisait l’écho dans un communiqué de presse du 30 octobre 2014 (2) en évoquant les différentes options actuellement soumises à l’examen des représentants des VAT Experts Group et Group on the Future of VAT, dans le cadre d’un régime de taxation dans l’EM de destination.
Nous observons néanmoins qu’aucune des options retenues ne fait cas du mécanisme du paiement fractionné de la taxe comme instrument de contrôle et de simplification du régime des échanges intracommunautaires.
6. Sans doute, ce mécanisme est-il traditionnellement lié à un régime de taxation dans l’EM d’origine et perçu comme s’accommodant difficilement d’un régime de taxation dans deux EM différents.
Pourtant, la solution au dysfonctionnement du régime transitoire ne peut, à notre avis, résider que dans l’alignement du traitement des livraisons intracommunautaires et des livraisons nationales, et corrélativement la suppression du concept d’acquisition intracommunautaire comme fait générateur de la taxe dans l’EM de destination, ainsi que la suppression du mode de perception de la taxe par voie d’auto-liquidation.
7. Nous émettons la thèse que le retour au régime du paiement fractionné de la taxe et sa généralisation dans les échanges intracommunautaires devrait permettre tout à la fois d’endiguer la fraude carrousel, de réduire l’exposition des entreprises aux risques inhérents à l’exonération des livraisons intracommunautaires, d’alléger les coûts de portage des crédits de TVA lorsque l’entreprise ne bénéficie pas d’un régime de franchise sur ses achats, et de simplifier les formalités en alignant le traitement des opérations intracommunautaires sur celui des opérations nationales (notamment sur le plan des taux de TVA), et d’offrir aux Etats des avances de trésorerie à hauteur de la TVA due sur les livraisons intracommunautaires réalisées sur leur territoire.
Il est entendu que ce mécanisme du fractionnement de la taxe – au cœur du système de la TVA – est en soi un mécanisme de contrôle puissant du fait que la perception et la déduction de la taxe reviennent à deux assujettis différents.
Pourquoi ne pas tenter de réintroduire alors ce mécanisme dans les relations intra-communautaires ?
Vers le paiement fractionné de la TVA sur les échanges intracommunautaires
8. Le principe du système que nous préconisons est d’aligner le régime des livraisons intracommunautaires sur celui des livraisons nationales dans l’EM d’origine, et non plus de faire coexister un régime d’exonération dans le pays d’origine et d’auto-liquidation de la taxe due dans l’EM de destination.
De façon simplifiée, l’EM d’origine perçoit la TVA sur les livraisons intracommunautaires que l’EM de destination rembourse à l’opérateur par voie d’imputation sur la taxe due sur la livraison subséquente. L’EM de destination conserve donc bien l’intégralité de la taxe qu’il perçoit au stade de la consommation finale sur son territoire (3).
On observe que la taxation de la livraison intracommunautaire dans l’Etat membre d’origine n’a vocation qu’à rétablir un fractionnement de la taxe identique à celui appliqué en régime intérieur dans ce pays. Il ne s’agit pas de taxer définitivement dans l’EM d’origine des biens consommés dans l’EM
Le paiement fractionné de la taxe comme instrument de contrôle et de simplification des échanges intracommunautaires de destination puisque l’EM de destination conserve l’intégralité de la TVA qu’il perçoit sur le chiffre d’affaires des opérations subséquentes réalisées jusqu’au stade de la consommation finale sur son
territoire.
9. Concrètement, l’acheteur pourrait récupérer la TVA qui lui est facturée dans l’EM d’origine sur une ligne distincte de sa déclaration dans l’EM de destination, par voie d’imputation sur la TVA due sur son chiffre d’affaires dans l’Etat membre de destination (4).
L’EM de destination jouerait le rôle d’agent payeur de l’EM d’origine pour restituer à l’opérateur la TVA déductible de l’EM d’origine. Les opérateurs seraient ainsi placés a priori dans les mêmes conditions pour l’ensemble de leurs achats de biens, qu’ils soient domestiques ou intracommunautaires.
En ce qui concerne les assujettis mixtes et partiels, L’EM de destination appliqueraient les règles de limitation de déduction de l’EM de résidence de l’acheteur et les exclusions applicables dans l’EM d’origine conformément à la jurisprudence de la Cour de justice (CJUE, 13 juillet 2000, aff. C-136/99 – Monte Dei Paschi).
10. L’imputation de la TVA de l’EM d’origine sur la TVA due dans l’EM de destination devrait toutefois être aménagée si l’opérateur identifié dans l’EM de destination était déjà identifié également
dans l’EM d’origine afin de prévenir le risque qu’il déduise la même TVA dans les deux EM.
Dans ce cas, la TVA facturée par le fournisseur ne serait déductible que dans la déclaration déposée dans l’EM d’origine. Ensuite, l’acheteur déclarerait un transfert/affectation des biens sur la base d’une facture pro-forma émise (avec TVA de l’EM d’origine) sous son numéro de TVA de l’EM d’origine vers son numéro de TVA de l’EM de destination.
L’EM de destination vérifierait si l’opérateur est déjà identifié dans l’EM d’origine.
Dans l’affirmative, il n’accorderait la déduction que sur la base des factures pro-forma de l’opérateur.
Dans la négative, il accorderait la déduction de la TVA de l’EM d’origine grevant les factures fournisseur.
Dans les deux cas, l’acheteur devrait pouvoir démontrer l’affectation des biens à une activité taxable dans l’EM de destination, en apportant la preuve d’une « piste d’audit fiable » entre les factures reçues ou documents pro-forma et les biens affectés à son activité taxable dans l’EM de destination.
11. Les modalités de restitution de la TVA de l’EM d’origine par l’EM de destination s’appuieraient sur un échange d’informations et une coopération entre les administrations nationales
similaires aux dispositifs actuels.
A cet effet, les administrations pourraient tirer parti des documents existants (relevés récapitulatifs des livraisons intracommunautaires).
La TVA ne serait restituée par l’EM de destination que moyennant la preuve de son paiement par le fournisseur dans l’EM d’origine (ou par l’acheteur dans l’hypothèse évoquée ci-avant § 10) et,
corrélativement, l’accord de l’EM d’origine sur les conditions d’exercice du droit à déduction.
En cas de contestation entre l’administration de l’EM d’origine et l’entreprise sur l’étendue du droit à déduction/remboursement, l’administration de l’EM destination pourrait être amenée à réduire à due concurrence le crédit de TVA imputable jusqu’à l’issue de la contestation, à titre conservatoire, du moins si les intérêts du Trésor sont en périls.
12. Le système de déduction de la TVA perçue par l’EM d’origine par voie d’imputation sur la TVA due dans l’EM de destination impliquerait un mécanisme de compensation entre EM.
Ce mécanisme attribuerait à l’EM de destination un droit au remboursement de la taxe de l’EM d’origine qu’il a restitué à l’opérateur (5).
13. Les transferts intracommunautaires seraient assimilés aux livraisons intracommunautaires.
D’une part, ils seraient taxés dans l’EM d’origine et, d’autre part, feraient l’objet d’une livraison à soimême taxable dans l’EM de destination/d’affectation avec déduction de la TVA de l’EM d’origine sur une ligne distincte de la déclaration dans cet EM.
14. En ce qui concerne les régimes particuliers des échanges intracommunautaires avec les consommateurs privés, assujettis sans droit à déduction et personnes morales non assujetties, les mouvements intracommunautaires de biens donneraient lieu dans l’EM d’origine à un transfert taxable. La TVA perçue par l’EM d’origine sur le transfert s’imputerait sur la TVA due sur la
livraison subséquente taxable dans l’EM de destination. Ce régime pourrait éventuellement ne s’appliquer qu’au delà d’un seuil de franchise relativement bas, en deçà duquel les livraisons seraient définitivement taxées dans l’EM d’origine.
15. Il est entendu que la généralisation du fractionnement de la taxe aux échanges intracommunautaires est susceptible de générer des coûts de trésorerie pour les entreprises, en particuliers lorsqu’il s’agit de sociétés appartenant à un même groupe au motif qu’elles sont étroitement liées entre elles sur les plans économiques, financiers et de l’organisation. Etant donné que les risques de fraude sont a priori inexistants dans ce cas, il devrait être possible de prévoir un mécanisme de consolidation similaire à celui que permettrait d’opérer l’immatriculation d’un groupe au niveau intracommunautaire.
Dans un régime de répartition de la taxe au prorata des valeurs ajoutées dans plusieurs EM, les valeurs à retenir sur les opérations intra-groupe pourraient par exemple être déterminées à partir des documents de prix de transfert que les entreprises sont déjà tenues d’établir aux fins de l’impôt sur les sociétés.
16. Enfin, s’agissant des opérateurs établis en dehors de l’Union européenne, ils seraient tenus de désigner un représentant fiscal qui assumerait la responsabilité solidaire du paiement de la taxe due dans l’EM d’origine sur les livraisons intracommunautaires à leurs clients assujettis. Les opérateurs qui n’auraient pas d’autre clientèle que des consommateurs privés dans un EM pourraient néanmoins bénéficier des services d’un guichet unique dans leur EM d’identification.
Conclusions
17. A bien des égards, il semble que la généralisation du mécanisme de paiement fractionné de la taxe aux échanges intracommunautaires devrait permettre de trouver une solution conforme aux intérêts des administrations nationales et des entreprises, permettant de pallier aux imperfections du régime transitoire.
Le paiement fractionné de la taxe comme instrument de contrôle et de simplification des échanges intracommunautaires
18. La taxation de la livraison intracommunautaire dans l’Etat membre d’origine n’aura vocation qu’à rétablir un fractionnement de la taxe identique à celui appliqué en régime intérieur dans ce pays.
Il ne s’agit pas pour autant de taxer définitivement dans l’EM d’origine des biens consommés dans l’EM de destination.
Dans ce système, la mise en œuvre du principe de destination ne porte pas sur la livraison intracommunautaire mais sur l’opération qui lui est subséquente.
19. Nous relevons que les options examinées par les parties prenantes au sein du Groupe d’experts sur la TVA et du Groupe sur l’avenir de la TVA conduisent au même résultat lorsqu’elles reposent sur une localisation de la livraison intracommunautaire dans l’EM de destination.
En revanche, les options actuellement examinées maintiennent la détaxation par voie d’exonération des opérations dans l’EM d’origine.
20. Or, cette exonération est de nature à favoriser les mécanismes de fraude carrousel dans le trafic intracommunautaire. A cet égard, l’efficacité du mécanisme de paiement fractionné comme instrument de contrôle et de simplification du régime des échanges intracommunautaires implique nécessairement une perception de la taxe dans l’EM d’origine et une imputation/remboursement dans l’EM de destination.
En outre, la détaxation des échanges intracommunautaires par voie d’exonération dans l’EM d’origine maintient artificiellement un « effet frontière » qui, suite à la suppression des frontières fiscales intérieures, doit être considéré comme une anomalie du système de la TVA si tant est que le fractionnement de la taxe est la pierre angulaire du mécanisme de contrôle inhérent au système.
21. Dans ce contexte, nous émettons la thèse que le retour au régime du paiement fractionné proprement dit dans les échanges intracommunautaires, devrait permettre tout à la fois d’endiguer la fraude carrousel, de réduire l’exposition des entreprises aux risques inhérents à l’exonération des livraisons intracommunautaires, d’alléger les coûts de portage des crédits de TVA lorsque l’entreprise ne bénéficie pas d’un régime de franchise sur ses achats, et de simplifier les formalités en alignant le traitement des opérations intracommunautaires sur celui des opérations nationales (en particulier sur le plan des taux de TVA puisque les opérateurs n’auront à connaître que le taux de l’EM d’origine quelque soit l’EM de destination), et d’offrir aux Etats des avances de trésorerie à hauteur de la TVA due sur les livraisons intracommunautaires réalisées sur leur territoire.
22. Enfin, l’application du paiement fractionné de la taxe aux échanges intracommunautaires paraît particulièrement adapté par rapport aux objectifs rappelés par la Commission dans sa communication précitée du 29 octobre 2014 :
- égalité et simplicité de traitement entre les opérations domestiques et intracommunautaires dans le cadre d’un marché unique ;
- pas d’impact budgétaire en raison de l’allocation de la TVA à l’EM de destination au taux qui y est applicable ;
- facilité d’administration et coûts de recouvrement de la taxe similaires aux opérations domestiques ;
- prévention de la fraude en maintenant le lien inhérent au fractionnement de la taxe dans l’ensemble de la chaîne de TVA.
23. L’instauration d’un tel mécanisme dans les échanges intracommunautaires pourrait en un premier temps s’accommoder du régime de taxation dans l’EM de destination.
A terme, il pourrait même permettre de faire évoluer l’ensemble du système de la TVA si on envisageait d’attribuer à chaque EM la TVA sur la valeur ajoutée sur son territoire de sorte que la taxe soit à la fois liée au lieu où est ajoutée la valeur et au lieu de la consommation et que la charge de la taxe sur la consommation finale corresponde à la somme des taxes perçues dans chaque EM proportionnellement à la valeur ajoutée sur leur territoire respectif.
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1 Implementation of the definitive VAT regime for intra-EU trade, SWD(2014)338, 29.10.2014. ; Livre vert sur l’avenir de la TVA, COM(2010) 695, 1.12.2010 ; Communication sur l’avenir de la TVA, COM(2011) 851, 6.12.2011.
2 «Ces dernières années, la Commission a encouragé de nombreuses améliorations du système de TVA. Nous avons présenté des mesures pour le rendre plus favorable aux entreprises et pour mieux le protéger contre la fraude. Mais arrive un moment où il faut remplacer sa vieille voiture par une neuve au lieu de la rafistoler avec des pièces détachées. Nous devons redéfinir le système de TVA de l’Union en partant de zéro, et aujourd’hui nous avons présenté les premières pistes pour y parvenir.»
3 Le mécanisme du paiement fractionné de la taxe due sur les livraisons intracommunautaires s’accommode d’un système de taxation dans l’EM de destination. Dans ce cas, la taxe à charge du consommateur final est celle de l’EM de consommation calculée sur la somme des valeurs ajoutées dans les deux EM (cf. également note n° 5 (i) ci-après). On pourrait toutefois envisager à terme que le paiement fractionné s’applique dans un système plus évolué où la TVA à charge du consommateur final serait calculée au taux applicable dans chaque EM au prorata de la valeur ajoutée sur leur territoire respectif. Dans ce cas, la taxe à charge du consommateur final est à la fois celle de l’EM d’origine et celle de l’EM de consommation à hauteur de la valeur ajoutée sur leur territoire respectif (cf. également note 5 (ii) ci-après).
4 Alternativement, la déduction de la TVA de l’EM d’origine pourrait être gérée par l’intermédiaire d’un système de guichet unique mis à disposition de l’opérateur dans son EM d’établissement et qui lui permettrait de valoriser un crédit de TVA d’EM d’origine imputable sur la TVA due dans l’EM de destination.
5 La compensation serait soit (i) totale si l’EM de destination devait continuer à bénéficier d’une taxe calculée sur la somme des valeurs ajoutées dans l’EM d’origine et de destination, soit (ii) limitée si – dans le cadre d’une évolution possible du régime de la TVA vers un partage de la taxe entre les Etats membres proportionnellement à la valeur ajoutée sur leur territoire – il ne devait conserver la taxe qu’à hauteur de la valeur ajoutée sur son propre territoire.
(i) Régime de paiement fractionné et taxation dans l’EM de destination Dans le régime actuel, l’EM d’origine perd la TVA sur la valeur ajoutée sur son territoire quand les biens ou services sont consommés dans un autre EM (détaxation des échanges intracommunautaires dans l’EM d’origine par voie d’exonération).
C’est l’EM de consommation qui perçoit la TVA sur la totalité des valeurs cumulées constituant le chiffre d’affaires facturé au consommateur final, sans égard au niveau de valeur ajoutée sur le territoire de l’EM d’origine et de consommation.
Dans le cadre d’un régime de fractionnement de la taxe, l’EM de destination obtiendrait de l’EM d’origine le remboursement au franc le franc de la taxe restituée à l’opérateur.
Ceci revient à lui attribuer la taxe calculée sur la somme des valeurs ajoutées au stade de la consommation finale, sans égard au lieu où les valeurs ont été ajoutées en amont.
(ii) Régime de paiement fractionné et répartition de la taxe entre EM proportionnellement aux valeurs ajoutées sur leur territoire respectif
Dans ce cas, la taxe perçue par l’EM d’origine sur la somme des valeurs ajoutées sur son territoire lui serait définitivement acquise.
Un crédit équivalent serait restituée à l’opérateur par l’EM de destination qui en supporterait la charge en l’imputant sur sa propre taxe sur le chiffre d’affaires, étant donné que celle-ci est assise pour partie sur une valeur ajoutée dans l’EM d’origine.
Les concepts de taxation dans l’Etat membre d’origine ou de destination ne seraient plus vraiment pertinents puisque chaque EM percevrait la taxe sur la valeur qui est ajoutée sur son territoire.
Il conviendrait toutefois de prévoir un mécanisme limité de compensation entre EM, uniquement dans le cas où le taux appliqué par l’EM d’origine est supérieur à celui de l’EM de destination.
Par hypothèse, aucune compensation ne serait nécessaire si l’EM d’origine et de destination appliquaient le même taux. En effet, l’EM de destination perçoit la TVA sur le chiffre d’affaires proportionnellement à la valeur ajoutée sur son territoire et restitue la TVA de l’EM d’origine à l’opérateur à hauteur d’un montant non supérieur à celui de la TVA qu’il aurait restituée en régime intérieur.
En revanche, une distorsion liée au différentiel de taux pénaliserait l’EM de destination si le taux de l’EM d’origine était supérieur à celui de l’EM de destination pour des biens de même nature. La taxe sur la valeur ajoutée dans l’EM de destination serait amputée de la quote-part de TVA de l’EM d’origine correspondant à ce différentiel de taux. Dans ce cas, l’EM d’origine devrait accepter de restituer à l’EM de destination cette quote-part de la TVA (5), de telle sorte que le montant de la TVA perçue par l’EM de destination reste proportionnel à la valeur ajoutée sur son territoire et qu’il ne supporte pas le coût lié à ce différentiel de taux.
Il convient d’observer qu’une telle distorsion n’existe pas dans la situation inverse où les biens seraient soumis dans l’EM d’origine à un taux inférieur à celui de l’EM de destination. Dans ce cas, l’EM de destination peut dégrever les biens de la TVA de l’EM d’origine sans être pénalisé, car la TVA perçue par l’EM de destination sur le chiffre d’affaires est bien proportionnelle à la valeur ajoutée sur son territoire.
On observe que dans ce cas l’EM de destination obtient néanmoins un avantage lié au différentiel de taux si l’on compare cette situation à celle d’un achat domestique dans l’EM de destination. Cet avantage résulte du différentiel de taux appliqué sur la valeur ajoutée dans l’EM de destination. Il n’en demeure pas moins que la TVA demeure proportionnelle à la valeur ajoutée dans chacun des Etats membres et qu’elle est perçue au taux qui y est applicable.
Guy de Cordes – Avocat
Avocat associé Cordes & Partners