Le centenaire de la déclaration de la guerre de 1914 coïncidait aussi avec le centenaire de la création de l’impôt sur le revenu (loi du 15 juillet 1914 (impôt général progressif sur le revenu) et loi du 31 juillet 1917 (impôt proportionnel dit cédulaire).
La nécessité de faire face à l’endettement de la France conduit la chambre dite bleu horizon en 1920 a augmenté significativement le taux marginal de l’impôt sur le revenu et à mettre en place une contribution sur les profits exceptionnels réalisés pendant la guerre. Cependant les impôts sont difficiles à recouvrer et les anciens combattants qui ont versé le prix du sang ne comprennent pas qu’ils ne soient pas exonérés de l’impôt sur le revenu. La perception de leur impôt a seulement été suspendue.
Très vite, le législateur va mettre en place avec la loi de 1920 la « pénalisation » de la fraude fiscale pour endiguer la fraude et stigmatiser les « mauvais » citoyens qui ne s’acquittent pas de leurs obligations patriotiques. Cependant, certains parlementaires s’inquiètent car déjà des contribuables n’hésitent pas à placer leurs avoirs en Suisse afin d’échapper à la « voracité » du fisc. La mise en place d’un impôt synthétique est concomitante au vote des sanctions pénales.
Le commissaire du gouvernement devant le Sénat avait précisé : « que l’article qui vous est soumis est relatif à des sanctions d’un caractère tout différent ; « il édicte des sanctions pénales, des sanctions correctionnelles contre les infractions aux lois fiscales qui sont commises de mauvaise foi et procéderont manifestement d’une intention frauduleuse » (Sirey 1923 p. 1331)
L’article 112 de la loi du 25 juin 1920 entraîne des poursuites correctionnelles et punit d’une amende « quiconque se sera frauduleusement soustrait ou aura tenté de se soustraire au paiement total ou partiel des impôts établis par les lois au profit du trésor public ». La récidive dans un délai de cinq ans est punie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller d’un an à cinq ans.
L’article 52 de la loi du 22 mars 1924 complète ce texte de base et poursuit l’omission volontaire de faire sa déclaration et la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt (10 % au moins des sommes dissimulées). Les impôts visés sont l’impôt sur le revenu et les droits de mutation par décès.
La fusion des deux textes engendrera l’article 146 des contributions directes (loi budgétaire du 31 décembre 1935).
La mise en place définitive de l’IRPP en 1948 va entraîner une amnistie fiscale en 1952 décidée par Antoine Pinay qui aura pour corollaire un renforcement des pénalités contre la fraude fiscale. Le délit de fraude fiscale est codifié à l’article 1835 du Code général des impôts (décret du 9 décembre 1948)
« La contrepartie de l’amnistie pour le passé, c’est la rigueur des sanctions pour les fraudes à venir. Les sanctions ne seront pas illusoires mais impitoyables » (M. Pinay. JO 5 avril 1952. Débats A. N p. 1928). Ces mesures sont à l’origine de l’essor de L’Union Des Commerçants et Artisans. (UDCA) dirigée par Pierre Poujade. En 1959, afin de poursuivre certaines techniques de fraude fut ajouté le terme « et tout agissement frauduleux ».
Ce n’est qu’en 1965, à la suite de la loi du 27 décembre 1963 que l’article 1741 succèdera à l’article 1835 du CGI. Le montant maximum des amendes sera porté à 250 000 F (37 500 €) ou 500 000 F voire 700 000 F pour le cas de récidive. (Article 18 de la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977, D 1978. 49). L’article 2-I de la même loi avait souligné le caractère intentionnel du délit de fraude fiscale. Enfin la loi de finances pour 1983 (loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982) a supprimé l’alternative : peine d’emprisonnement ou amende.
La répression pénale de la fraude fiscale est peu efficace et n’est guère dissuasive. Elle demeure un « glaive de carton » (J. Cosson, la répression pénale de la fraude fiscale in RFFP n° 5 p. 101). Les quelques personnalités épinglées par le fisc ne doivent pas faire oublier que la plupart des « gros » fraudeurs échappent à la répression.
G. Kellens dans son article publié dans la revue de sciences criminelles (« le crime en col blanc : sa place dans une criminologie économique »,RSC 1975 p.811) traduit la situation d’une manière fort imagée : « L’image traditionnelle du filet pénal est fâcheuse. Des filtres, c’est tout l’inverse d’un filet : un filet retient les gros poissons et laisse échapper les petits qui ne sont pas intéressants. Un filtre laisse passer uniquement les petits (le menu fretin) qui sont retenus comme les seuls intéressants. »
La faiblesse de la répression avait ému M. Charasse lorsqu’il était ministre du budget (la lettre de la DGI. 15 mars 1989, n°132) » Je suis frappé par la faiblesse des sanctions prononcées par l’autorité judiciaire. Quand on fraude l’impôt en France, on a droit à une amende quelquefois avec sursis et, si on est condamné à la prison ferme, c’est parce que l’on a fait quelque chose de plus grave (…) voler des millions de francs à l’Etat c’est la prison avec sursis, voler à l’étage d’un épicier, c’est quinze jours de prison ferme. J’en ai assez ». En 1990, la peine la plus fréquemment prononcée était de l’ordre de huit mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 F d’amende.
La répression pénale de la fraude fiscale n’était pas la priorité des gouvernants puisque le montant de l’amende de l’article 1741 est resté inchangé jusqu’en 2012 (loi n°2012-354 du 14 mars 2012 : article 15)
L’amende pour la fraude simple est multipliée par 13 (de 37 500 € à 500 000 €).celle réalisée avec l’utilisation de fausses factures passe de 75 000 € à 750 000 €. Enfin le recours à des comptes ouverts ou à des contrats souscrits auprès d’organismes établis dans des Etats et territoires non coopératifs entraîne la perception d’une amende de 1 000 000 €. La peine d’emprisonnement passe de cinq ans à sept ans .Ces mesures ont été prises afin de durcir la lutte contre les paradis fiscaux. Les périodes de crise réactivent la lutte contre ces paradis du fait de la rareté de la matière imposable.
Ce texte de base de la répression pénale a subi peu de modifications jusqu’à l’adoption de la loi dite de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique suite à l’Affaire Cahuzac. L’ancien ministre du budget était titulaire d’un compte en Suisse qu’il n’avait pas déclaré auprès de l’administration fiscale. Ayant menti, il dut démissionner de ses fonctions, le 19 mars 2013.
Afin de renforcer les sanctions pénales en matière de fraude fiscale, la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale (loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013), a porté les peines à sept ans d’emprisonnement et à 2 000 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes. Ces dernières résident notamment dans la fraude en bande organisée, l’usage d’une fausse identité ou de faux documents et toute autre falsification, l’interposition d’une entité fictive ou artificielle, l’interposition de personnes ou d’organismes établis à l’étranger, l’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger et la domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger .En l’absence de circonstances aggravantes, le délit général de fraude fiscale est puni d’une amende de 500 000 € et d’une peine de prison de 5 ans.
Le Cumul des sanctions fiscales et pénales
Les suites de l’affaire Cahuzac,( le ministre fut traduit devant le tribunal correctionnel sur le fondement du délit de fraude fiscale) et de l’affaire Wildenstein (les héritiers avaient omis de déclarer lors de la succession une part importante du patrimoine laissé par le défunt et furent poursuivis aussi sur le fondement du délit général de fraude fiscale) ont conduit à la saisine du Conseil Constitutionnel dans la cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les prévenus à propos du cumul des sanctions fiscales (article 1729 du CGI) et des sanctions pénales de non-déclaration de sommes imposables (article 1741 du CGI).( Cons. const., déc., 24 juin 2016, n° 2016-545 QPC, M. Alec W. et a., Cons. const., déc., 24 juin 2016, n° 2016-546 QPC, M. Jérôme C. )
La pénalisation de la fraude fiscale revenait ainsi au premier plan de l’actualité. Le Conseil Constitutionnel a estimé que les sanctions fiscales et les sanctions pénales étaient complémentaires en matière de lutte contre la fraude fiscale. Elles sont déclarées conformes au principe de nécessité des délits et des peines avec des réserves d’interprétation. Le Conseil Constitutionnel se refuse à donner une valeur constitutionnelle au principe non bis in idem.
Le cumul des sanctions fiscales et pénales ne doit pas excéder « le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » (§ 8 de la QPC n°2016-545). Ce principe est néanmoins difficile à appliquer lorsque les sanctions encourues sont de nature différente. Entre la pénalité fiscale pour manquement délibéré (40 % du montant des redressements effectués) ou la pénalité fiscale pour abus de droit ou pour manœuvres frauduleuses (80 % du montant des redressements effectués) et l’amende pénale, l’application de la réserve d’interprétation est aisée. Par contre, la peine d’emprisonnement est inconnue des sanctions fiscales, elle devrait donc s’ajouter à l’amende la plus élevée retenue précédemment.
La gravité de l’infraction commise
Deux autres réserves d’interprétation ont été retenues par le Conseil constitutionnel : la gravité de l’infraction qui justifie les poursuites pénales « Ce principe impose néanmoins que les dispositions de l’article 1741 ne s’appliquent qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt. Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention. ».
Un mois après les QPC sur le cumul des sanctions fiscales et pénales, le Conseil constitutionnel se prononçait sur le « verrou » de Bercy. ( Décision n°2016-555 QPC du 22 juillet 2016, M. Karim B).
La commission des infractions fiscales (CIF) a été créée par la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties des garanties de procédure en matière fiscale. Cet organisme avait pour but de contrecarrer le pouvoir discrétionnaire de l’administration des impôts dans le déclenchement des poursuites pénales. Des disparités géographiques avaient été observées, certains directeurs départementaux des services fiscaux étaient plus répressifs que leurs collègues. Elle est composée désormais, sous la présidence d’un conseiller d’État, de huit conseillers d’État en activité ou honoraires élus par l’Assemblée générale du Conseil d’État, de huit conseillers-maîtres en activité ou honoraires élus par la chambre du Conseil en formation plénière de la Cour des comptes, de huit magistrats honoraires élus par l’Assemblée générale de la Cour de cassation, de deux personnes qualifiées désignées par le président de l’Assemblée nationale et de deux personnes qualifiées désignées par le président du Sénat. Le mandat des conseillers est fixé à trois ans. Elle est saisie par le ministre du Budget. Elle rend des avis favorables (1 069 avis favorables en 2014) ou défavorables (86 en 2014). Dans le premier cas, le ministre est tenu de déposer une plainte pour fraude fiscale auprès du Parquet. Il a une compétence liée. En cas d’avis défavorable, les poursuites pénales ne pourront pas être engagées. Désormais, la CIF peut être saisie sans que le contribuable n’en soit informé dès lors que le ministre du Budget met en avant l’existence de présomptions d’infractions fiscales liées à l’utilisation de comptes ou de contrats souscrits auprès d’organismes situés à l’étranger. Un rapport annuel d’activité est élaboré. Il est transmis au gouvernement et au parlement.
Dans la QPC transmise au Conseil constitutionnel, le requérant met en avant une atteinte aux principes d’égalité devant la loi, de séparation des pouvoirs et de légalité criminelle. Le Conseil constitutionnel a validé l’intervention de la Commission des infractions fiscales. Cette dernière ne porte pas atteinte aux principes susvisés.
Une fois saisi par la plainte de l’administration fiscale, le procureur de la République (le ministère public) dispose toujours de l’opportunité des poursuites L’administration des impôts est la plus à même d’apprécier les atteintes aux intérêts financiers de l’Etat en saisissant ou non la CIF. Elle est le « bras armé » de la politique du gouvernement contre la fraude fiscale.
Madame Liébert Champagne, présidente de la CIF, lors du colloque « juge pénal et juge de l’impôt » du 8 juillet 2016 à la Cour de Cassation a précisé que la CIF n’avait connaissance que des fraudes fiscales les plus graves. « la CIF demande d’abord un montant minimal de fraude, fixé aujourd’hui à 100 000 € des droits poursuivis »( Monique Liébert-Champagne, le rôle de la commission des infractions fiscales, Droit fiscal 2016, n° 38, comm.497.) Cette commission sanctionne aussi les oppositions à contrôle fiscal dans le cadre des vérifications de comptabilité, l’utilisation des logiciels dits « permissifs », les montages agressifs et les nouvelles techniques de fraude, les professionnels du droit et les récidivistes.
Cette énumération correspond parfaitement aux cas les plus graves relevés par le Conseil Constitutionnel et rejoint les axes forts de « l’action de l’administration fiscale en matière de pénalisation de la fraude fiscale ». (Olivier Sivieude, Droit fiscal 2016, n° 38, comm.496.). M. Sivieude se félicite de la mise en place d’une police fiscale et d’un parquet national financier.
L’effort réalisé dans la définition des fautes les plus graves pourrait conduire à l’abandon du cumul des poursuites fiscales et des poursuites pénales. Le parquet financier devrait être utilisé pour le traitement pénal de la fraude fiscale sur l’ensemble du territoire. Nous avons pu déjà remarquer le peu d’appétence des juges correctionnels pour la répression pénale de la fraude fiscale.
Pas de sanctions pénales si le contribuable a été déchargé de l’impôt par une décision rendue sur le fond de l’affaire.
L’abandon des poursuites pénales lorsque le contribuable a été déchargé de l’imposition par le juge de l’impôt au fond de l’affaire (« un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut pas être condamné pour fraude fiscale ») semble sonner le glas de l’indépendance des procédures fiscales et pénales et remet en vigueur la notion de sursis à statuer qui a toujours été refusée par le juge pénal (Cass crim.12 février 1958 : Bull crim n°147. Cass crim. 4 mai 2006 n° 05-85.947).En outre, des contribuables qui avaient été déchargés de l’impôt à payer sur le plan fiscal avaient été condamnés sur le plan pénal.(Cass. Crim. 4 juin 1970, n° 69-93.414 ; Bull. crim. n° 186)
Cependant, le temps fiscal et le temps pénal ne coïncident pas. Le temps pénal est généralement plus rapide que le temps fiscal. Le contribuable aura été condamné sur le plan pénal avant d’être déchargé sur le fond de l’impôt. Deux solutions peuvent alors être retenues : le sursis à statuer ou la révision de la condamnation prononcée. La première solution étant préférable.
La CEDH (qui a peut-être indirectement inspiré le Conseil constitutionnel) a jugé que, en matière de soustraction à l’impôt, l’engagement ou la poursuite d’une procédure répressive (pénale ou administrative) est impossible si une autre procédure (administrative ou pénale) a déjà donné lieu à une décision définitive (CEDH, 5e sect., 27 nov. 2014, n° 7356/10, Lucky Dev c/ Suède : Juris data n° 2014-030595 ;Droit fiscal 2015,n° 4 , act 54)) . La requérante soulignait qu’elle avait été jugée et punie deux fois pour la même infraction dans le cadre des procédures fiscale et pénale engagées contre elle. Acquittée une première fois, elle fut condamnée pour les mêmes agissements lors d’une seconde procédure engagée contre elle.
La décision du Conseil constitutionnel prend soin d’éviter le cumul des sanctions fiscales et pénales qui sera sans doute sanctionné par le CEDH et la CJUE prochainement. Dans le prolongement de l’arrêt Zolotoukhine c/Russie (CEDH, gde ch., 10 févr. 2009, n° 14939/03, Zolotoukhine c/ Russie), la CEDH a invalidé en 2014 la réserve italienne de l’article 4 du protocole n°7 qui en limitait l’application aux seules poursuites pénales stricto sensu. (CEDH, gde ch., 4 mars 2014, n° 18640/10, n° 18647/10, n° 18663/10, n° 18668/10 et n° 18698/10, Stevens et a. c/ Italie : RJF 7/2014, n° 750.)
La réserve française est similaire à la réserve italienne. Cette réserve est le fondement actuel de l’admission du cumul des sanctions fiscales et pénales par le Conseil d’Etat (CE, , 26 décembre 2008,n°282 999, M.Gonzales-Castrillo, Droit fiscal 2009, n°10, comm.231, concl P. Collin) et la Cour de cassation. (Cass crim, 6 novembre 1997,n°96-86.127, M. Pini : Bull. crim.1997, n°379).
En ce qui concerne la CJUE, l’arrêt Fransson ( CJUE, gde ch., 26 févr. 2013, aff. C-617/10, Åklagaren c/ Hans Åkerberg Fransson : Dr. fisc. 2013, n° 40, comm. 460, note C. Brokelind ) a étendu le principe non bis in idem à la dualité des procédures administratives (à caractère répressif) et pénales. « Le cumul des sanctions fiscales et pénales en matière de fraude à la TVA n’est pas contraire au principe non bis in idem énoncé par la charte des droits fondamentaux européens de l’UE sous réserve que la sanction fiscale ne présente pas un caractère pénal » .
Par sa jurisprudence, le Conseil Constitutionnel a voulu préserver le caractère d’exemplarité du délit de fraude fiscale vis-à-vis de l’opinion publique face à deux affaires emblématiques. Les peines sévères demandées par le Ministère public « des peines d’emprisonnement ferme » mériteraient d’être confirmés par les juges du tribunal correctionnel. Rarement les condamnés pour fraude fiscale sont emprisonnés. La stigmatisation de la fraude fiscale se traduirait alors pleinement. Nous pensons notamment à Uli Hoenness , le président du Bayern de Munich incarcéré pendant 21 mois suite à une fraude fiscale portant sur une dissimulation de 28 millions d’euros.
Cependant, la complémentarité des sanctions fiscales et pénales invoquée par le Conseil constitutionnel masque en fait un cumul d’impositions qui n’ose dire son nom. Lorsque des pénalités pour manquement délibéré ou pour manœuvres frauduleuses sont infligées, elles sont cumulables avec des poursuites pénales. Pourtant les agissements réprimés sont semblables. Dans le cas des pénalités pour manquement délibéré, le juge administratif vérifie le caractère volontaire des infractions commises qu’il peut puiser notamment dans l’importance des redressements effectués par rapport au chiffre d’affaires. Ces redressements résultent d’une minoration systématique des recettes ou d’une déduction des charges indues. La profession exercée par le contribuable : expert-comptable ou notaire renforce le caractère volontaire des infractions commises. Une recherche qui peut être rapprochée de celle de l’élément intentionnel par le juge pénal.
Les manœuvres frauduleuses en droit fiscal traduisent une fraude sophistiquée qui s’opère par le biais de montages agressifs ou astucieux et l’utilisation d’opérations fictives. Les agissements poursuivis en droit fiscal et en droit pénal présentent donc la même configuration.
La solution réside, maintenant que l’amende pénale a été substantiellement relevée ‘(un nouveau relèvement de cette dernière est parfaitement envisageable) de faire un choix entre les sanctions fiscales et les sanctions pénales. C’est le choix que nous préconisions lors de la rédaction de notre thèse « l’élément matériel dans les infractions fiscales et la jurisprudence récente de la chambre criminelle de la Cour de cassation », Paris XII en 1991. Cela fait déjà vingt -cinq ans et la situation n’a pas évolué. Il est urgent d’attendre.
Par des artifices juridiques, le Conseil constitutionnel maintient le cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales en matière de fraude fiscale. Un cumul qui apparait désormais suranné et qui mériterait d’être revu prochainement. La balle est désormais dans le camp du législateur.
Thierry LAMULLE
Maître de conférences HDR en droit public à l’Université de Caen-Normandie.
Membre de l’Institut Demolombe (EA 967).