Revue européenne et internationale de droit fiscal

A propos avec Christophe de la Mardière

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Christophe de la Mardière

Agrégé des facultés de droit

Professeur du Conservatoire national des arts et métiers,

Titulaire de la chaire de fiscalité des entreprises

REIDF
Livres Droit Fiscal 2 2024
Livres Droit Fiscal 2 2024

1 –  Quelles leçons peut-on tirer des exemples historiques exposés dans le dossier ?

Tact et mesure seraient les maîtres mots d’une réforme fiscale réussie. N’oublions pas que l’impôt dépend du contribuable, en ce sens que c’est à lui de le supporter et qu’il trouvera toujours un moyen d’y échapper s’il l’estime illégitime. Ainsi la poll tax de M. Thatcher n’a produit que la moitié du rendement attendu. Le consentement à l’impôt, de ce point de vue, existe bel et bien.

Il faut se méfier de l’idéologie. C’est bien l’ultra libéralisme de M. Thatcher qui l’a perdue. Mais la Révolution française fut également remplie de bonnes intentions fiscales, pour ne pas dire des rêves. Nos pères révolutionnaires étaient convaincus que le consentement à l’impôt ferait des contribuables de doux agneaux. Ainsi la contribution patriotique de Necker, en 1789, n’avait pas de sanctions et son rendement fut bien sûr très faible.

L’impôt sur la fortune en France aux XXe et XXIe siècles est également trop marqué par l’idéologie, comme le montre sa première appellation d’impôt sur les « grandes » fortunes. Son rendement a toujours été très médiocre, ce qui montre que lorsque l’on détourne le prélèvement fiscal de sa première finalité, budgétaire, on ne parvient qu’à de piètres résultats. Cela vaut également au plan économique, où l’interventionnisme fiscal a très rarement montré son efficacité.

2 – Peut-on réformer avec les contraintes de l’Union européenne qui nous obligent ?

Les impôts directs restent de la compétence des Etats membres, même s’il leur faut respecter, en toute occasion, les grandes libertés économiques communautaires. Il reste donc une grande marge de manœuvre. De gros efforts d’harmonisation ont été réalisés avec la TVA, pourtant demeurent d’importants écarts de taux ; ainsi le taux normal est de 17 % au Luxembourg contre 27 % en Hongrie. Là encore, la marge n’est pas négligeable. Mais comment prétendre avoir harmonisé l’imposition de la dépense en Europe avec de tels écarts ? Le but est toujours que le contribuable supporte la même charge fiscale quel que soit le pays européen où il réalise son achat. On en est loin.

3 – Vous avez raison d’affirmer que toute réforme fiscale génère des gagnants et des perdants. Dans ces conditions comment faire accepter la réforme par le plus grand nombre ?

C’est le principe même de la démocratie, le plus mauvais des systèmes politiques en dehors de tous les autres disait Churchill. N’oublions pas que le consentement à l’impôt fut à l’origine du système représentatif, les premiers parlements ayant été réunis pour exprimer ce consentement. Les colons américains ont refusé d’acquitter l’impôt britannique parce qu’ils n’étaient pas représentés à la chambre des Communes. Aujourd’hui, ce même principe constitue le fondement du régime démocratique. Dès lors qu’une majorité a élu des représentants, sur la base d’un programme politique, lequel comporte presque toujours des engagements fiscaux, la minorité doit s’incliner et payer… L’impôt est toujours le résultat d’un rapport de force politique.

4 – Y a-t-il un impôt, en France, qu’il vous paraisse urgent de réformer ?

Les impôt locaux provoquent les plus grandes injustices. Ils sont bien trop vieux, pour descendre en ligne directe des quatre vieilles contributions créées par la Révolution. Ils portent sur une richesse dépassée, l’immobilier ; aujourd’hui un milliardaire est riche des actions de sa société. Ils présentent toujours une nature indiciaire : plus un immeuble est grand, plus son propriétaire est riche. Déconnectés de la réalité, les impôts locaux ne tiennent pas compte des facultés contributives. Ils reposent toujours sur des bases remontant à 1970 ! Certes ces bases sont mises à jour chaque année, mais de façon forfaitaire, donc approximative. Certes les locaux professionnels ont fait l’objet d’une révision générale en 2017. Mais on attend toujours la même réforme s’agissant des locaux d’habitation.

En 1970, les centres-villes étaient désertés au profit des périphéries, où les immeubles présentaient de meilleures conditions de confort. Aujourd’hui cette situation s’est inversée : de nombreux centres-villes ont été rénovés tandis que les immeubles des périphéries se sont dégradés. Il est donc particulièrement injuste de devoir payer plus à raison d’une tour lointaine et délabrée plutôt que du fait d’un immeuble central et en bon état. Plus on attend, plus les inégalités se creusent.

1 – What lessons can we draw from the historical examples described in this dossier?

Tact and moderation would be the watchwords of a successful tax reform. Let’s not forget that tax depends on the taxpayer, in the sense that it is up to him to bear it and that he will always find a way of avoiding it if he considers it illegitimate. For example, Mrs Thatcher’s poll tax produced only half the expected return. From this point of view, consent to tax does exist.

We must be wary of ideology. It was Mrs Thatcher’s ultra-liberalism that caused her fall. But the French Revolution was also full of good fiscal intentions, not to say dreams. Our revolutionary fathers were convinced that consent to taxation would turn taxpayers into meek lambs. So Necker’s patriotic contribution in 1789 had no penalties and its yield was, of course, very low.

Wealth tax in France in the twentieth and twenty-first centuries has also been overly influenced by ideology, as can be seen from its initial name of tax on “large” fortunes. Its yield has always been very mediocre, which shows that when you divert the tax levy from its primary purpose – budgetary – you only achieve mediocre results. The same applies to the economy, where fiscal intervention has rarely proved effective.

2 – Can we reform within the constraints imposed by the European Union?

Direct taxes remain the responsibility of the Member States, even if they have to respect the Community’s major economic freedoms at all times. So there is still plenty of room for manoeuvre. Major efforts have been made to harmonise VAT, but there are still major differences in rates; for example, the standard rate is 17% in Luxembourg compared with 27% in Hungary. Here again, there is room for manoeuvre. But how can we claim to have harmonised the taxation of expenditure in Europe with such disparities? The aim is always for taxpayers to bear the same tax burden regardless of the European country in which they make their purchase. We are a long way from achieving this.

3 – You are right to say that any tax reform generates winners and losers. Under these conditions, how can the reform be accepted by as many people as possible?

This is the very principle of democracy, the worst political system of all, as Churchill said. Let us not forget that consent to taxation was at the origin of the representative system, the first parliaments having been convened to express this consent. The American colonists refused to pay British taxes because they were not represented in the House of Commons. Today, this same principle forms the basis of the democratic system. Once a majority has elected representatives on the basis of a political programme, which almost always includes tax commitments, the minority must bow down and pay… Taxes are always the result of a balance of political power.

4 – Is there any tax in France that you feel needs urgent reform?

Local taxes cause the greatest injustice. They are far too old to be a direct descendant of the four old taxes created by the Revolution. They are levied on an outdated form of wealth, real estate property; today a billionaire is rich in company shares. They are still index-based: the bigger the building, the richer the owner. Local taxes are out of touch with reality, and take no account of people’s ability to pay. They are still based on assessments dating back to 1970! It’s true that these bases are updated every year, but on a flat-rate basis, so they are approximate. It is true that business premises were subject to a general review in 2017. But we’re still waiting for the same reform for residential premises.

In 1970, city centres were deserted in favour of the outskirts, where buildings were more comfortable. Today, the situation is reversed: many town centres have been renovated, while buildings on the outskirts have fallen into disrepair. So it’s particularly unfair to have to pay more for a tower block that’s far away and in disrepair than for one that’s central and in good condition. The longer we wait, the greater the inequalities.

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